RÉPERTOIRE JURISPRUDENCE ET JURIDIQUE
Avertissement
Suite aux changements introduits par la Loi EL KHOMRY puis la Loi MACRON, certains articles ont changé de numéro. Veuillez vérifier la correspondance avec le Code du Travail et le Code Civil actualisés.
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RÉPERTOIRE JURISPRUDENCE ET JURIDIQUE
Il y a 4 noms dans ce répertoire commençant par la lettre R.
Refus d'une modification des conditions de travail
Grâce à son pouvoir de direction, un employeur peut modifier les conditions de
travail de ses salariés. Le refus d’un salarié peut justifier son licenciement.
Modification des horaires de travail.
L'histoire : suite à un reclassement, les horaires de travail d’une salariée ont été
modifiés.
La salariée a refusé cette modification car ses nouvelles heures de travail
étaient incompatibles avec ses obligations familiales. Elle a alors été licenciée
pour faute grave pour refus d’accepter le nouvel horaire.
Ce qu'en disent les juges : dans la mesure où le refus de la salariée était basé
sur des obligations familiales impérieuses, la Cour de cassation estime que
l'employeur ne pouvait pas la licencier pour faute grave. Néanmoins ce refus peut
justifier un licenciement.
A retenir :
- L'employeur peut modifier les conditions de travail de ses salariés grâce à son
pouvoir de direction.
- Le refus du salarié des nouvelles conditions de travail l'expose à un
licenciement pour faute, voire pour faute grave.
- Si le refus du salarié est motivé par des obligations familiales impérieuses, le
salarié ne pourra pas être licencié pour faute grave. Cette distinction n'est pas
sans intérêt dans la mesure où le licenciement pour faute grave est privatif des
indemnités de préavis et de licenciement.
Le non-respect d’une clause de mobilité.
L'histoire:un salarié a refusé sa mutation malgré une clause de mobilité insérée
dans son contrat de travail. Il a alors été licencié.
Ce qu'en disent les juges: les juges considèrent que le licenciement de ce salarié
est sans cause réelle et sérieuse. En effet l’employeur n’a pas démontré l’intérêt
pour l’entreprise de mettre en œuvre la clause de mobilité. De même la mutation
a été imposée brutalement au salarié, sans aucun délai de prévenance. Par
conséquent les juges estiment que l’employeur a mis en œuvre la clause de
mobilité de façon abusive et discrétionnaire.
Remarque: la manière dont les juges apprécient l‘application d'une clause de
mobilité dépendra des éléments factuels de chaque situation.
La validité d'une telle clause dépend aussi bien de sa formulation que des
circonstances de sa mise en œuvre qui doivent être respectueuses de la vie
personnelle du salarié.
De plus les juges semblent être particulièrement attachés à ce qu'elle soit
actionnée dans l'intérêt de l'entreprise.
ARTICLE DE LOI / ARRET
Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 15 décembre 2004, N°02-
44924 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 2 mars 2005, N°
02-47546
Représentant syndical au comité d'entreprise et attributions
Cette fiche est à jour des dispositions des ordonnances du 22 septembre 2017,
du 20 décembre 2017 et des décrets d'application.
Le représentant syndical représente le syndicat auprès du comité d'entreprise.
Désigné et non élu, il assiste aux séances du comité d'entreprise avec voix
consultative. Autrement dit, le représentant syndical ne participe pas aux votes
du comité d'entreprise.
Textes :C. trav., art. L. 2143-22 ; C. trav., art. L. 2314-2 ; C. trav., art. L. 2314-
19 ; C. trav., art. L. 2315-7 ; C. trav., art. R. 2315-4 ; Ord. n o 2017-1386, 22 sept.
2017, JO 23 sept. ; D. n o 2017-1819, 29 déc. 2017, JO 30 déc.
ATTENTION :à compter du 1 er janvier 2018 et, au plus tard, le 1 er janvier 2020,
le comité d'entreprise, les délégués du personnel et le CHSCT sont remplacés
par le comité social et économique (Ord. n o 2017-1386, 22 sept. 2017, JO
23 sept. ; voir n o 105-1 et n o 110-1).
◗ Qui peut être désigné comme représentant syndical au comité
d'entreprise ?
Entreprises de moins de 300 salariés. — Que l'entreprise comporte un
établissement unique ou plusieurs établissements, le ou les délégués syndicaux
sont de plein droit représentants syndicaux aux comités d'entreprise ou
d'établissement. Le seuil de 300 salariés s'apprécie donc au niveau de
l'entreprise et non de l'établissement (C. trav., art. L. 2143-22 ancien).
Remarque :pour apprécier l'effectif, il convient de se placer à la date des
dernières élections professionnelles. Si l'effectif passe en dessous des 300
salariés après les élections, un syndicat peut donc tout de même désigner un
représentant syndical au comité d'entreprise autre que le délégué syndical (Cass.
soc., 15 avr. 2015, n o 14-19.197).
Entreprises de 300 salariés et plus. — Les syndicats représentatifs
choisissent librement leurs représentants syndicaux. Toutefois, ceux-ci doivent
(C. trav., art. L. 2324-2 ancien) :
– appartenir au personnel de l'entreprise ou de l'établissement en
question s'il s'agit d'un comité d'établissement (Cass. soc., 26 avr.
2000, n o 98-60.493 ; Cass. soc., 12 juill. 2016, n o 15-21.679) ;
– remplir les conditions d'éligibilité au comité d'entreprise. En pratique, il
ne peut donc s'agir d'un membre de la famille de l'employeur. Le salarié
doit être âgé de 18 ans révolus et travailler dans l'entreprise ou
l'établissement depuis un an au moins (C. trav., art. L. 2324-15 ancien ;
voir n o 115-35). L'ancienneté totale acquise par le salarié au sein de
l'entreprise, quels que soient les établissements où il a été successivement
affecté, doit être prise en compte pour le calcul de l'ancienneté requise
pour être éligible dans l'un de ces établissements (Cass. soc., 11 oct. 2017,
n o 16-60.295).
Remarque :le syndicat doit être représentatif dans le périmètre dans lequel
intervient la désignation. Ainsi, pour pouvoir désigner un représentant syndical au
comité d'établissement, le syndicat doit être représentatif au niveau de cet
établissement (Cass. soc., 8 juill. 2015, n o 14-60.726). Pour pouvoir désigner un
représentant syndical au comité central d'entreprise, le syndicat doit être
représentatif au niveau global de l'entreprise et pas nécessairement dans chacun
des établissements distincts (Cass. soc., 17 janv. 2018, n o 16-26.965 ; voir n o 130-
85).
En principe, tout salarié, quelles que soient ses fonctions, peut être désigné
représentant syndical au comité d'entreprise (même s'il est cadre). Ce principe
connaît toutefois deux exceptions. Ne peut être désigné comme représentant
syndical le salarié qui :
– soit dispose d'une délégation écrite particulière d'autorité qui permet
de l'assimiler à l'employeur (Cass. soc., 29 juin 2005, n o 04-60.093) ;
– soit représente l'employeur en qualité de président du CHSCT ou du
comité d'entreprise, ou exerce au niveau de l'entreprise, à l'égard des
représentants du personnel, les obligations relevant exclusivement de
l'employeur (Cass. soc., 24 mai 2006, n o 05-60.231).
Ces deux exceptions s'appliquent également pour la désignation d'un délégué
syndical (voir n o 120-25) et trouveront à s'appliquer à notre sens pour la
désignation du représentant syndical au comité social et économique (voir infra).
Remarque :un salarié peut être désigné alors qu'il est en cours d'exécution de
préavis, y compris s'il en est dispensé. Son mandat prend tout simplement fin en
même temps que son contrat de travail (Cass. soc., 29 oct. 2003, n o 02-
60.638).
De même, un salarié peut être désigné même s'il est sous le coup d'une
procédure de licenciement, sauf s'il s'agit d'une fraude manifeste (Cass. soc.,
30 janv. 2008, n o 07-60.183).
◗ Qu'en est-il des salariés mis à disposition ?
Les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure (sous-traitant ou
prestataire de services) ne peuvent en aucun cas être désignés représentants
syndicaux au comité d'entreprise. En effet, pour être désigné à cette fonction,
le salarié doit remplir les conditions d'éligibilité au comité d'entreprise. Or, les
salariés mis à disposition ne sont pas éligibles à cette fonction (C. trav.,
art. L. 2324-17-1 ancien).
En revanche, dans les entreprises de moins de 300 salariés, chaque délégué
syndical étant automatiquement représentant syndical au comité d'entreprise, un
salarié mis à disposition désigné délégué syndical pourrait a priori siéger en tant
que représentant syndical.
◗ Quelles sont les possibilités de cumul de mandats ?
Un représentant syndical au comité d'entreprise ne peut cumuler ses fonctions
avec celle de membre élu du comité d'entreprise. L'employeur doit donc lui
demander d'opter pour le mandat de son choix. En revanche, le cumul est
possible avec un mandat de délégué du personnel, de délégué syndical, de
représentant de section syndicale, de délégué syndical central et de
représentant au CHSCT (voir n o 205-50).
Toutefois, dans les entreprises de moins de 300 salariés, le délégué syndical
d'entreprise (ou d'établissement) étant obligatoirement représentant syndical
au comité d'entreprise (ou d'établissement), ce délégué syndical ne peut être
par ailleurs membre élu du comité d'entreprise. Il y a en effet incompatibilité
entre cette dernière fonction et celle de représentant syndical. Si le délégué
syndical est néanmoins élu au comité d'entreprise, il peut choisir de conserver
son mandat d'élu, ceci emportant renonciation de l'organisation syndicale à avoir
un représentant syndical au comité d'entreprise (Cass. soc., 28 nov. 1984,
n o 84-60.404).
Pour un tableau récapitulatif des possibilités de cumul de mandats, voir n o 205-
20.
◗ Quel est le rôle du représentant syndical et ses moyens d'action ?
Le représentant syndical assiste aux réunions du comité d'entreprise avec voix
consultative. En tant que président du comité d'entreprise, l'employeur doit
donc le convoquer aux réunions dans les mêmes conditions que les autres
membres du comité d'entreprise. À défaut, les décisions prises par le comité
d'entreprise sont irrégulières (CE, 23 déc. 2010, n o 323318) et l'employeur
s'expose à des sanctions pénales pour délit d'entrave (Cass. crim.,
11 juin 1974, n o 73-93.299).
Le temps passé aux réunions lui est rémunéré comme temps de travail.
Le représentant syndical au comité d'entreprise peut (C. trav., art. L. 2325-
11 ancien) :
– durant ses heures de délégation, se déplacer hors de l'entreprise ;
– tant durant ses heures de délégation qu'en dehors de ses heures
habituelles de travail, circuler librement dans l'entreprise et y prendre
tous contacts nécessaires à l'accomplissement de sa mission notamment
auprès d'un salarié en poste, sous réserve de ne pas apporter de gêne
importante à l'accomplissement du travail des salariés.
Ces règles relatives à la liberté de déplacement sont identiques à celles des
membres du comité d'entreprise (voir n o 215-5 et s.).
◗ Le représentant syndical bénéficie-t-il d'un crédit d'heures ?
Dans les entreprises de 501 salariés et plus, le représentant syndical bénéficie
d'un crédit d'heures qui, sauf circonstances exceptionnelles, ne peut excéder
20 heures par mois.
Si l'effectif de l'entreprise atteint ou dépasse le seuil de 501 salariés, mais
qu'aucun des établissements distincts n'atteint ce seuil, le représentant syndical
au comité central d'entreprise dispose d'un crédit de 20 heures (C. trav.,
art. L. 2325-6 ancien).
◗ Quelle est la durée de son mandat ?
La durée du mandat d'un représentant syndical au comité d'entreprise n'est
fixée par aucun texte. Elle est en revanche étroitement liée à la durée du
mandat des membres du comité d'entreprise ou du comité d'établissement : le
mandat de représentant syndical au comité d'entreprise prend automatiquement
fin lors du renouvellement des membres du comité d'entreprise (Cass. soc.,
10 mars 2010, n o 09-60.347).
Ainsi, dans les entreprises de 300 salariés et plus, lors du renouvellement du
comité d'entreprise, il est mis fin au mandat des représentants syndicaux et ce
n'est que si le syndicat reste représentatif qu'il peut en désigner un autre (il
peut s'agir du même salarié ; voir n o 130-15).
Dans les entreprises de moins de 300 salariés, la fonction de représentant
syndical au comité d'entreprise est liée au mandat de délégué syndical, lequel est
également remis en question lors de chaque élection professionnelle (si le
délégué n'a pas obtenu 10 % des suffrages ou si le syndicat perd la qualité de
syndicat représentatif ; voir n o 205-80). En outre, le mandat de représentant
syndical peut cesser sur décision du syndicat, soumise aux mêmes formes que la
désignation (voir n o 205-30).
◗ Quels changements interviennent avec la création du comité social et
économique ?
A priori, aucun. En effet, il est prévu que chaque organisation syndicale
représentative dans l'entreprise ou l'établissement puisse désigner un
représentant syndical au comité social et économique, celui-ci étant de droit le
délégué syndical dans les entreprises de moins de 300 salariés (C. trav.,
art. L. 2143-22 ; C. trav., art. L. 2314-2).
Le représentant syndical au comité social et économique doit également remplir
les conditions d'éligibilité au comité social et économique, qui sont identiques à
celles applicables au comité d'entreprise (C. trav., art. L. 2314-19).
En outre, sauf accord plus favorable, le représentant syndical au comité social et
économique a seulement voix consultative, tout comme le représentant syndical
au comité d'entreprise.
Enfin, le régime du crédit d'heures des représentants syndicaux au comité social
et économique est identique à celui des représentants syndicaux au comité
d'entreprise. Bénéficient ainsi d'un crédit d'heures qui, sauf circonstances
exceptionnelles, ne peut excéder 20 heures par mois :
– le représentant syndical au comité social et économique dans les
entreprises de 501 salariés et plus ;
– le représentant syndical au comité social et économique central lorsque
l'effectif de l'entreprise atteint ou dépasse le seuil de 501 salariés, mais
qu'aucun des établissements distincts n'atteint ce seuil (C. trav.,
art. L. 2315-7 ; C. trav., art. R. 2315-4).
Sachez-le :le représentant syndical au comité d'entreprise ne peut pas faire
partie de la commission économique créée au sein du comité d'entreprise, ni de la
délégation au conseil d'administration ou de surveillance (voir n o 130-30).
Requalification contrat de travail autoentrepreneur
Comment le conseil de prud’hommes de Paris a requalifié en
contrat de travail la situation d’un chauffeur exerçant sous
statut d’autoentrepreneur
Le statut d’auto-entrepreneur ne fait pas obstacle à la reconnaissance
d’un contrat de travail lorsque le demandeur en établit les caractéristiques.
Des entreprises ont déjà eu à subir de lourds redressements URSSAF (cass.
civ., 2e ch., 7 juillet 2016, n° 15-16110 FSPB, 2e moyen), sans même parler du
risque pénal lié au travail dissimulé (cass. crim. 15 décembre 2015, n° 14-
85638 FPB).
Le 20 décembre 2016, le Conseil de prud’hommes de Paris a requalifié en
contrat de travail la relation existant entre un chauffeur exerçant sous
statut d’auto-entrepreneur et une société spécialisée dans le transport de
voyageurs.
Même s’il s’agit uniquement d’un jugement d’une juridiction de première
instance, l’affaire entre en résonance avec les débats autour du statut des
chauffeurs de VTC.
Les arguments des uns et des autres
Dans l’affaire en cause, le chauffeur justifiait la requalification sur la base
des points suivants :
-il n’était pas indépendant dans l’exercice de son activité et il était intégré
dans un service organisé par la société au travers du choix du modèle de
véhicule et des outils de téléphonie ;
-il était sous la hiérarchie de la société dont il recevait des directives et qui
le contrôlait notamment dans son comportement, sa tenue vestimentaire et
dans ses heures de travail ;
-il était placé dans une situation d’exclusivité de clientèle avec l’impossibilité
de se constituer une clientèle personnelle.
De son côté, la société s’opposait à la reconnaissance du contrat de
travail. Entre autres arguments, elle mettait notamment en avant les points
suivants :
-les contrats d’adhésion au système informatisé et de location de voiture
avaient été signés par l’intéressé en connaissance cause en qualité d’auto-
entrepreneur ;
-le prestataire avait le choix de ses jours d’activité et de ses jours de repos,
de se connecter ou pas à la plate-forme, de l’organisation de sa course ;
-l’acceptation des courses était à la libre discrétion des chauffeurs
partenaires ;
-les relevés hebdomadaires d’activité du chauffeur démontraient la grande
variation de ses temps de travail ;
-etc.
Le Conseil de prud’hommes est reparti des fondamentaux
Pour aboutir à la requalification, le Conseil de prud’hommes est reparti des
bases du droit du travail.
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté des
parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des
conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. À
cet égard, le statut d’auto-entrepreneur ne constitue pas une présomption
« irréfragable » s’opposant en toute hypothèse au salariat (en clair, il est
possible de la renverser).
La subordination s’entend de l’autorité du pouvoir de direction et de contrôle
de l’employeur sur le salarié à l’occasion de l’exécution de la prestation de
travail.
En l’espèce, les juges ont estimé que les obligations mises à la charge du
prestataire dépassaient notablement les obligations pouvant être imposées
dans le cadre d’une location de véhicule.
En outre, la liberté de trouver une clientèle distincte de celle la société
était rendue inexistante par le fait que le chauffeur est interdit de maraude
et par le fait qu’il lui est interdit de recourir à une société concurrente, si
bien qu’il ne dispose d’aucune possibilité de trouver une clientèle.
Or, l’impossibilité d’accéder à une clientèle distincte constituait, pour, le
Conseil de prud’hommes, un obstacle rédhibitoire au maintien du statut
d’auto-entrepreneur.
En conséquence, la relation entre le chauffeur et la société a été jugée
comme ne relevant pas de la libre entreprise mais du salariat, et donc d’un
contrat de travail.
On notera qu’à partir du 1 er mars 2017, la loi interdira aux centrales de
réservations d’imposer des clauses d’exclusivité aux conducteurs, sous
réserve de dérogations (c. com. art. L. 420-2-2 et L. 420-4 au 1.03.2 017 ;
loi 2016-1920 du 29 décembre 2016, art. 3, JO du 30). À notre sens, cela ne
suffira pas à exclure les risques de requalification, puisqu’il restera possible
pour un demandeur de se fonder sur d’autres arguments pour prouver le lien
de subordination.
En l’espèce, si le Conseil de prud’hommes a jugé que l’argument de la clause
d’exclusivité était rédhibitoire, il ne s’est pas uniquement fondé là-dessus.
L’indemnité pour travail dissimulé
Le Conseil de prud’hommes a estimé que le recours au statut d’auto-
entrepreneur avait été choisi par la société dans le but d’échapper aux
contraintes du code du travail, alors que dans le même temps, elle imposait
à ses partenaires des obligations dont elle ne pouvait ignorer qu’elles étaient
caractéristiques du contrat de travail.
Poursuivant sur leur lancée, les juges ont estimé que le statut d’auto-
entrepreneur auquel, dans un premier temps, le chauffeur avait adhéré, ne
permet pas d’écarter le caractère intentionnel de la dissimulation
d’emploi de la part de l’employeur dans la mesure où les contrats ont été
établis exclusivement par la société qui, qui en avait rédigé les termes à sa
seule convenance.
Et la note ?
Pour la petite histoire, on notera que le salarié a notamment obtenu :
-645,53 € de rappels de salaire (différence entre le chiffre d’affaires net
perçu et le salaire de référence de la convention collective des transports
routiers et activités auxiliaires) ;
-1 037,26 € d’indemnité de congés payés ;
-8 087,12 € au titre d’heures supplémentaires ;
-4 513,74 € au titre du repos compensateur ;
-2 415,46 € de rappels de salaire pour dimanches et jours fériés travaillés ;
-1 759,84 € d’indemnités de repas ;
-965 € d’indemnité de costume ;
-8 890,86 € d’indemnité pour travail dissimulé ;
-la délivrance de bulletins de paye pour la période concernée.
Conseil de prud’hommes de Paris, 20 décembre 2016, RG n° F 14/16389
Requalification des CDD et contrats d'intérim en CDI
Il est fréquent qu'un certain nombre de salariés travaillent sous couvert de
plusieurs CDD successifs et/ou de contrats de mission d'intérim pour la
même entreprise. Ils effectuent ainsi pendant plusieurs années les mêmes
fonctions que n'importe quel salarié en CDI de la Société.
Or, l’article L.1251-5 du Code du travail dispose : « le contrat de mission, quel
que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir
durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise
utilisatrice ».
L’article L.1251-40 du Code du Travail définit les hypothèses de requalification
d’un contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée à
l’encontre d’une entreprise utilisatrice :
« Lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de
travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L.
1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire
valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de
travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ».
Les mêmes exigences légales sont prévues aux termes des articles L.1242-1 et
L.1242-2 du Code du travail s’agissant du contrat à durée déterminée.
L’article L.1242-1 du Code du travail dispose en effet: « Un contrat de travail à
durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour
effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et
permanente de l’entreprise ».
L’article L.1242-2 du Code du travail énumère pour sa part les cas limitatifs dans
lesquels il est possible de recourir au contrat de travail temporaire.
En application de l’article L.1245-1 du Code du travail :« Est réputé à durée
indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions
des articles L.1242 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L.1242-12 alinéa premier,
L.1243-11, alinéa premier, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4 »
L’article L.1245-2 du Code du travail prévoit la sanction rattachée à la
requalification et le versement d'une indemnité ne pouvant être inférieure à un
mois de salaire.
Dès lors qu'il a été fait appel au salarié pour pourvoir durablement un emploi lié
à l’activité normale et permanente de l’entreprise, le salarié précaire dispose
d'une action à l’encontre de son employeur s'il est en CDD et/ou à l'encontre
de l’entreprise utilisatrice pour ses périodes d'intérim.
Le salarié peut saisir le Conseil de Prud'hommes compétent dans le cadre d'une
procédure rapide prévue à l’article L.1251-41 du Code du travail (en cas
d'intérim) et/ou à l'article L 1245-2 (en cas de CDD).
Il s'agit d'une procédure de saisine directe du bureau de jugement sans
phase de conciliation.
Le salarié qui obtient la requalification de ses contrats en CDI est alors
susceptible de percevoir les indemnités de requalification, de préavis,
de licenciement et des dommages et intérêts indemnité pour licenciement sans
cause réelle et sérieuse) en fonction de son ancienneté.
A titre d'exemple, par jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris du 3
octobre 2018, le Cabinet a pu obtenir pour un Client ayant fait l'objet
successivement de contrats de mission d'intérim du 8 octobre 2012 au 31 mars
2017 puis d'un CDD du 3 avril 2017 au 22 décembre 2017 soit pour une durée
totale de travail de 5 ans et 2 mois, les indemnités suivantes :
2.157,26 euros à titre d'indemnité de requalification,
2.157 euros à titre d'indemnité de licenciement,
4.314,52 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
431,45 euros au titre des congés payés y afférents,
9.029,04 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse (soit le maximum de l'indemnité prévue par le barème "Macron"
compte tenu de l'ancienneté du salarié),
1.000 euros d'article 700 du Code de Procédure Civile.
Il sera précisé que ce jugement est devenu définitif, la Société ayant employé le
salarié n'ayant pas interjeté appel du jugement.