RÉPERTOIRE JURISPRUDENCE ET JURIDIQUE
Avertissement
Suite aux changements introduits par la Loi EL KHOMRY puis la Loi MACRON, certains articles ont changé de numéro. Veuillez vérifier la correspondance avec le Code du Travail et le Code Civil actualisés.
Merci
RÉPERTOIRE JURISPRUDENCE ET JURIDIQUE
Il y a 5 noms dans ce répertoire commençant par la lettre T.
Température fait-il trop froid pour travailler ?
L’article R4223-13 du Code du travail dispose que « Les locaux fermés affectés
au travail sont chauffés pendant la saison froide. Le chauffage fonctionne de
manière à maintenir une température convenable et à ne donner lieu à aucune
émanation délétère. »
Votre bureau doit être maintenu à une « température convenable » pendant
la « saison froide »
Le Code du travail ne précise pas la période calendaire correspondant à
la « saison froide »
Le Code du travail ne précise pas ce qu’est une « température convenable »
La jurisprudence, quant à elle, est imprécise et fluctuante 12°, 14°, 15° ?
« faute par la société CHRONOPOST de justifier après avis du médecin du
travail devant les instances représentatives du personnel et notamment du
comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail dans un délai de trois
mois à compter de la signification de la présente décision, de la mise en place
d’un dispositif de chauffage adapté au maintien d’une température d’au moins
14° à l’intérieur des locaux du site où sont affectés les salariés et ne dégageant
pas d’émanation délétère, une astreinte provisoire de 2000 par jour de retard
pendant deux mois sera appliquée et laquelle pourra être liquidée par la cour qui
s’en réserve le pouvoir à l’issue de ce délai. »
Cour d’appel, Rennes, 21 Septembre 2012 n° 12/02599
« Mme G. produit en preuve de nombreuses attestations d’anciennes collègues de
travail pharmacien-assistant, préparatrices et apprenties (Mmes C., V., M., C., D),
particulièrement accablantes pour l’employeur, faisant état de ce que la
température des locaux de l’officine était régulièrement inférieure à 18° l’hiver
(12 à 14 ° dans le vestiaire, 14 à 17° dans l’officine) obligeant les salariées à
travailler avec plusieurs épaisseurs de pulls sous leur blouse, et même avec
écharpe et mitaines, et à apporter des thermos de boissons chaudes sur leur lieu
de travail et ce depuis l’hiver 2005-2006 au moins.
Mme O. a justifié le recours à ce chauffage d’appoint par un problème de
chaudière dû au brûleur’ depuis décembre 2006, ce qui témoigne de son incurie à
remédier depuis plus de trois mois à un dysfonctionnement du système de
chauffage de l’officine, en violation manifeste de ses obligations en matière
d’hygiène et de sécurité des conditions de travail et notamment de l’article R
4223-13 du code du travail prescrivant que les locaux fermés affectés au travail
doivent être chauffés pendant la saison froide et que le chauffage doit
fonctionner de manière à maintenir une température convenable’.
Les documents et pièces produits en preuve contraire par Mme O. à l’appui de
ses dénégations ne peuvent emporter la conviction, alors que les attestations
émanent de salariées ayant travaillé au sein de l’officine plusieurs années avant
les faits reprochés, ou de clients qui venant de l’extérieur et vêtus en
conséquence ne peuvent se rendre compte pendant leur courte présence au sein
de l’officine de la température anormalement basse de celle-ci.
Quant à la facture de réparation de la chaudière en date du 26 décembre 2006,
elle confirme que malgré le remplacement d’une pièce défectueuse à cette date,
le système de chauffage central ne permettait pas d’atteindre une température
normale des locaux, sans recours à un chauffage d’appoint qui selon les dires des
salariées n’était pas allumé la plupart du temps.
Cette méconnaissance réitérée par l’employeur de son obligation de préserver la
santé et la sécurité de ses salariés constitue à elle seule un manquement
suffisamment grave, s’agissant au surplus d’une salariée déjà fragilisée par une
maladie veineuse chronique, pour justifier la rupture de son contrat de travail
aux torts de l’employeur. »
Cour d’appel, Besançon, Chambre sociale, 14 Septembre 2010 n° 09/02030
« Il ressort en revanche des attestations de plusieurs stagiaires et clientes que
le local n’était pas suffisamment chauffé en hiver et que la température
avoisinait les 15° ;
Monsieur N. justifie de l’installation de deux convecteurs électriques en février
2002, uniquement, et ne conteste pas l’utilisation, jusqu’à cette date, d’ un
radiateur mobile et d’appoint, ce qui ne constitue pas un système de chauffage; »
Le manquement de Monsieur N. à son obligation de résultat quant à la protection
de la santé et de la sécurité de sa salariée est caractérisé, et s’est prolongé de
longues années; l’éclairage agressif des lieux de travail, l’absence de système de
chauffage suffisant jusqu’en 2002,ont constitué des conditions de travail
affectant la santé de Mme G. ; cette situation justifie, par voie d’infirmation du
jugement, la condamnation de Monsieur N. à lui payer à titre de dommages-
intérêts la somme de 10 000; »
Cour d’appel, Angers, Chambre sociale, 13 Novembre 2012 n° 11/00087
« La présence d’un four (de boulanger) peut certes pallier l’absence de
chauffage, mais il faut aussi considérer que le four n’est pas nécessairement en
fonctionnement toute la journée. L’article R 4223-13 du code du travail impose
de fait à tout employeur de chauffer les locaux pendant la saison froide. »
Cour d’appel, Caen, 1re chambre civile, 24 Septembre 2013 n° 07/02057
L’article R4223-14 du Code du travail dispose que « La température des locaux
annexes, tels que locaux de restauration, locaux de repos, locaux pour les
travailleurs en service de permanence, locaux sanitaires et locaux de premiers
secours, obéit à la destination spécifique de ces locaux. »
Votre vestiaire, vos toilettes, votre cantine doivent être chauffés à la
température de leur « destination spécifique »
Le Code du travail ne précise pas quelle est la température de la « destination
spécifique » de votre vestiaire, de vos toilettes, de votre cantine
L’article R4223-15 du code du travail prévoit que « L’employeur prend, après avis
du médecin du travail et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de
travail ou, à défaut, des délégués du personnel, toutes dispositions nécessaires
pour assurer la protection des travailleurs contre le froid et les intempéries. »
Oui mais qu’est-ce que le « froid » ?
Le Code du travail ne précise pas ce qu’est le « froid »
A quel degré, la température n’est-elle plus « convenablement » c’est-à-
dire « froide »pour que l’employeur soit obligé de prendre des « dispositions
nécessaires pour assurer la protection des travailleurs contre le froid » ?
L’article R4225-1 du Code du travail dispose que « Les postes de travail
extérieurs sont aménagés de telle sorte que les travailleurs () dans la mesure du
possible () soient protégés contre les conditions atmosphériques () »
Le Code du travail ne précise pas à quelle température, « les conditions
atmosphériques » sont trop « froides » pour que l’employeur soit obligé
d’aménager les postes de travail extérieurs
L’article R4213-7 du Code du travail dispose que « Les équipements et
caractéristiques des locaux de travail sont conçus de manière à permettre
l’adaptation de la température à l’organisme humain pendant le temps de travail,
compte tenu des méthodes de travail et des contraintes physiques supportées
par les travailleurs. »
« permettre l’adaptation de la température à l’organisme humain »
Le Code du travail ne précise pas quelle température des locaux de travail est
adaptée ou non à l’organisme humain avec la variabilité liée aux « méthodes de
travail et des contraintes physiques supportées par les travailleurs »
Parmi la liste des facteurs de risques mentionnés à l’article L.4121-3-1 du Code
du travail figurent les « températures extrêmes » (Article D4121-5 2° du Code
du travail).
Le Code du travail ne précise pas quelles sont ces « températures extrêmes »
Lorsqu’il procède à l’évaluation des risques, l’employeur doit prendre en
considération les « conditions de travail particulières, comme les basses
températures » (Article R4444-5 8° du Code du travail)
Le Code du travail ne précise pas quelles sont ces « basses températures »
Le local dédié à l’allaitement doit être « maintenu à une température
convenable »(Article R4152-13 8° du Code du travail).
Le Code du travail ne précise pas quelle est cette « température convenable »
Les équipements et caractéristiques des locaux affectés à l’hébergement
doivent permettre de maintenir la température intérieure à 18 °C au moins et
d’éviter les condensations et les températures excessives. (Article R4228-28 du
Code du travail).
Dans le bâtiment et le génie civil, l’employeur doit mettre à la disposition des
travailleurs un local-vestiaire « suffisamment chauffé » (Article R4534-139 du
Code du travail).
Le Code du travail ne précise pas à quel degré le local-vestiaire
est « suffisamment chauffé »
Il est interdit d’affecter les jeunes aux travaux les exposant à
une « température extrême susceptible de nuire à la santé ». (Article D4153-36
du Code du travail).
Le Code du travail ne précise pas qu’est-ce qu’une « température extrême
susceptible de nuire à la santé »
Face aux imprécisions du Code du travail, on peut se référer aux normes
internationales et recommandations de l’INRS.
Norme X35-203 (mars 2006)
Cette norme internationale présente des méthodes de prévision de la sensation
thermique générale et du degré d’inconfort (insatisfaction thermique) général
des personnes exposées à des ambiances thermiques modérées. Elle permet de
déterminer analytiquement et d’interpréter le confort thermique.
Spécifiquement développée pour les environnements de travail, elle peut
cependant être appliquée à d’autres types d’environnement.
Cette norme préconise des échelles de températures à respecter:
Dans les bureaux à 20 à 22 °C
Dans les ateliers avec faible activité physique à 16 à 18 °C
Dans les ateliers avec forte activité physique à 14 à 16 °C.
Norme NFX 35-204 (février 2005)
Cette norme internationale spécifie une méthode d’évaluation analytique et
d’interprétation de la contrainte thermique subie par un sujet dans un
environnement thermique chaud.
Les principaux objectifs de cette norme sont :
L’évaluation de la contrainte thermique dans des environnements susceptibles
d’entraîner une élévation de la température corporelle centrale ou des pertes
hydriques importantes chez un sujet standard.
La détermination des durées d’exposition compatibles avec une astreinte
physiologique tolérable (pas de dommage physique prévisible).
Elle est destinée à évaluer les conditions de travail.
Norme ISO 7730 (2005)
Cette norme présente une méthode de prévision de la sensation thermique et du
degré d’inconfort. Il ne s’agit pas de calculer des ambiances thermiques qui
peuvent être dangereuses pour la santé et la sécurité des travailleurs mais de
définir une ambiance thermique confortable pour les travailleurs.
Pour cela, la norme détermine des indices PMV et PPD.
L’indice PMV : Vote moyen prédit
Il prédit la valeur moyenne des votes d’un grand groupe de personnes sur
l’échelle de perception thermique à 7 points :
+3 très chaud
+2 chaud
+1 légèrement chaud
0 ni chaud, ni froid
-1 légèrement froid
-2 froid
-3 très froid
Il peut être calculé grâce aux paramètres climatiques tels que la température de
l’air, le rayonnement, l’humidité et la vitesse de l’air. Il peut aussi prendre en
compte le métabolisme et l’isolement vestimentaire des travailleurs.
L’indice PPD : pourcentage de personnes insatisfaites
La norme donne la correspondance entre les indices PMV et PPD, présentée ci-
dessous :
Pour obtenir une ambiance thermique confortable, il est recommandé d’avoir un
indice PPD inférieur à 10%, soit un indice PMV comprit entre -0,5 et +0,5.
La norme précise que pour atteindre ce confort thermique :
La vitesse de l’air reste en dessous de 0,5 m/s.
L’humidité relative soit comprise entre 30 et 70% pour éviter des problèmes
biologiques.
La différence de température entre 1,1m et 0,1m du sol soit inférieure à 3°C.
La température de surface du sol soit comprise entre 19 et 26°C.
Norme ISO 7243 : L’indice WBGT « Ambiance chaude »
Cette norme internationale prescrit une méthode pour l’estimation de la
contrainte thermique subie par un travailleur en ambiance chaude. Elle permet
ainsi d’effectuer un diagnostic rapide, fiable et facilement utilisable en milieu
industriel.
Cette méthode se base sur l’indice de contrainte thermique WBGT (Wet Bulb
Globe Thermometer). Cet indice est applicable pour l’évaluation de l’effet moyen
de la chaleur sur les travailleurs durant une période représentative de leurs
activités. (Il ne s’applique donc pas pour des contraintes thermiques de courtes
durées ou proches de la zone de confort).
Il est dérivé de la formule suivante :
WBGT = 0,7 Tw + 0,2 Tg + 0,1 Td
Tw = Température du thermomètre mouillé.
Tg = Température du thermomètre à globe noir.
Td = Température de l’air.
A l’intérieur, lorsque le rayonnement solaire est négligeable, on utilise la formule
suivante :
WBGT = 0,7 Tw + 0,2 Tg
Attention, l’indice WBGT ne doit pas être confondu avec une température. Le
tableau suivant présente quelques relevés dans des bureaux et des industries et
illustre la différence entre température et indice WBGT.
Situation Température de
l’air
Température
globe noir
Humidité
relative WBGT
Bureau en
hivers 22°C 22°C 40 % 16,8
Bureau en
été 30°C 30°C 30 % 22,2
Atelier
fermé 35°C 35°C 30 % 26,3
Atelier
ensoleillé 35°C 51°C 36 % 35,0
Tableau 1 : source, http://www.deparisnet.be
La réglementation stipule des valeurs maximales de WBGT en fonction de la
charge du travail.
Exemples : Sur un travail de 5 jours à raison de 8 heures par jours :
Pour effectuer une tâche légère qui utilise seulement les mains ou les bras, et
qui concerne moins de 25 % du temps de travail, l’indice WBGT ne devra pas
dépasser 32,5.
Par contre, pour une tâche lourde comme tirer/pousser une charge, et ce
pendant 50 à 75 % du temps de travail, l’indice WBGT ne devra pas dépasser
27,5.
Norme ISO 7933 : L’indice PHS « Ambiance chaude »
Cette norme analyse et interprète la contrainte thermique grâce à l’indice PHS
(Predicted Heat Strain), c’est à dire le calcul de l’astreinte thermique prévisible.
Dans ce but, elle prend en compte de nombreux paramètres afin de représenter
de la meilleure façon possible la réalité de la situation de travail.
Paramètres pris en compte :
L’ambiance thermique
L’activité
La tenue vestimentaire
Cependant, ce calcul est complexe car il nécessite une adaptation à chaque
entreprise, à chaque activité. Aussi il est effectué uniquement par des
spécialistes.
Selon l’INRS « Dès que la température ambiante (à l’abri du vent) est
inférieure à 5 °C, la vigilance s’impose. Car à cette température, une
exposition au froid, prolongée ou non, a des effets directs sur la santé.
Si les températures comprises entre 5°C et 15 °C présentent moins de
risques directs, elles peuvent néanmoins être sources d’inconfort pour des
travaux sédentaires ou de pénibilité légère. Elles peuvent générer alors frissons,
engourdissements ou rhumes et par ailleurs provoquer des risques indirects :
accidents dus à une pénibilité et une fatigue accrues, à une perte de dextérité,
survenue de TMS
Pour les travaux en extérieur, le risque est aggravé en cas d’exposition au vent.
La sensation de refroidissement est causée par l’effet combiné de la
température et du vent. Un indice de refroidissement éolien, établi par les
météorologues canadiens, donne la température équivalente ressentie par
l’organisme en fonction de la vitesse du vent, pour des individus adultes portant
des vêtements d’hiver.
L’humidité de l’air est un autre facteur à prendre en compte, dans la mesure où la
perte de chaleur du corps augmente dans des conditions humides. La peau humide
est, d’autre part, plus sensible au froid. Et des vêtements humides sont
inconfortables et isolent mal du froid.
Pour les travaux à l’intérieur de locaux, en installations frigorifiques par
exemple, il convient de relever les températures à l’intérieur des installations.
Celles-ci doivent être équipées d’instruments de suivi. Pour les travaux en
extérieur, il est nécessaire de surveiller régulièrement les fluctuations de
température.
Plusieurs facteurs liés à la tâche à effectuer, au poste de travail ou à la situation
de travail peuvent augmenter les risques dus à une exposition au froid.
Les conséquences d’une exposition au froid peuvent varier d’un travailleur à
l’autre.
Si certaines caractéristiques individuelles peuvent être connues de l’employeur
(habitude de la tâche, âge, genre), d’autres ne peuvent être prises en compte que
par le médecin du travail. Le rôle de ce dernier est fondamental pour préserver
la santé des salariés et demander si besoin des adaptations de postes, tout en
respectant la confidentialité médicale.
Outre la prise de conseils auprès de leur médecin traitant, les travailleurs
peuvent bénéficier d’une visite à leur demande auprès du médecin du travail
(article R. 4624-17 du Code du travail.
En cas de besoin, un aménagement du poste de travail sera proposé.»
Transfert d'entreprise. Changement de lieu de travail.
En cas de transfert d'entreprise, le Code du travail (1) impose le maintien de
votre contrat de travail auprès du nouvel employeur.
En principe, ce maintien doit se faire sans modification substantielle de vos
conditions de travail. Votre lieu de travail ne peut donc être modifié que dans
deux cas précis :
- respect du secteur géographique de votre lieu de travail initial
- mise en œuvre d'une clause de mobilité figurant dans votre contrat
l Ce que disent les juges
Les juges considèrent que conformément à la loi, la transmission du contrat de
travail s'impose aux salariés comme à l'employeur (2).
Vous n'avez donc pas en principe la possibilité de refuser le transfert de votre
contrat de travail. A défaut, votre refus sera analysé comme une démission
n'ouvrant droit à aucune indemnité (3).
Néanmoins, le transfert du contrat de votre travail n'implique pas que celui-ci
puisse être modifié substantiellement sans votre accord.
S'agissant du lieu de travail, une distinction doit être faite :
- en l'absence de clause de mobilité : le lieu de travail, tel que mentionné dans
votre contrat n'a en principe qu'une valeur indicative, sauf clause contraire
claire et précise (4).
Ainsi, votre lieu de travail pourra être déplacé dans les limites du secteur
géographique, secteur apprécié en fonction de plusieurs critères (distance entre
l'ancien et le nouveau lieu de travail, moyens de transports...).
- en présence d'une clause de mobilité : votre lieu de travail pourra être déplacé
dans la zone géographique prévue par la clause de mobilité.
Dans ces cas, il n'y aura pas de modification substantielle de votre contrat de
travail, vous ne pourrez donc pas refuser le transfert, sauf à démissionner.
Cependant, la mise en ½uvre de la clause ne doit ni être abusive, ni
disproportionnée (eu égard à la situation personnelle du salarié, absence d'un
délai de prévenance suffisant...) (5). A défaut, votre refus pourra être jugé
légitime.
Par exemple
il a été jugé qu'une veuve élevant seule ses jeunes enfants et dont les horaires
auraient été considérablement modifiés pouvait refuser la mise en ½uvre d'une
clause de mobilité.
l Conclusion
Vous pouvez refuser le changement de votre lieu de travail :
- si une clause claire et précise de votre contrat prévoyait un lieu de travail fixe
(très rare)
- si, en l'absence d'une clause de mobilité, le changement se fait en dehors du
secteur géographique de votre lieu de travail initial
- si, en présence d'une clause de mobilité :
- le changement se fait en dehors de la zone géographique prévue par la clause
ou,
- la mise en œuvre de la clause est abusive ou disproportionnée
Votre refus s'analysera alors comme une rupture de votre contrat de travail
imputable à l'employeur et vous ouvrira droit aux diverses indemnités de
licenciement.
Travail dissimulé
Le travail dissimulé suscite un contentieux
important en raison de l’augmentation des
procédures introduites contre des employeurs.
Précisément, il y a travail dissimulé lorsque l’employeur ne déclare pas
intentionnellement un salarié, ne lui délivre pas de bulletin de salaire ou ne
déclare pas toutes les heures effectuées.
En France, plusieurs lois sont venues modifier le régime du travail dissimulé,
codifiées dans le code du travail, pour en faire aujourd’hui un délit sévèrement
réprimé (Loi n°97-210 du 11 mars 1997 relative au renforcement de la lutte
contre le travail illégal Loi du 11 octobre 1940 relative à l'utilisation des
travailleurs sans emploi).
En effet, outre le fait qu'il crée un manque à gagner pour les comptes publiques,
il prive le salarié de l’ensemble de ses droits sociaux.
Par conséquent, le salarié dissimulé bénéficie d’un régime protecteur qui lui
permet de faire sanctionner ces comportements quand bien même il serait
impliqué dans la démarche (3).
En réalité, il s’agit de mesures complémentaires visant à renforcer le régime de
sanctions auxquelles l’employeur est soumis (2).
Récemment la Cour de Cassation a d’ailleurs opéré un revirement de
jurisprudence clairement favorable au salarié, en lui reconnaissant la possibilité
de réclamer l’ensemble des indemnités normalement dues au salarié sans
distinction de cumul (Cass. Soc. 6 février 2013).
Avant d’envisager cette évolution jurisprudentielle il convient de rappeler que,
bien évidemment, la mise en oeuvre de ces sanctions supposent, au préalable, que
la situation de travail dissimulé soit caractérisée (1).
Travail dissimulé : revirement jurisprudence
Le travail dissimulé suscite un contentieux important en raison de l’augmentation
des procédures introduites contre des employeurs.
Précisément, il y a travail dissimulé lorsque l’employeur ne déclare pas
intentionnellement un salarié, ne lui délivre pas de bulletin de salaire ou ne
déclare pas toutes les heures effectuées.
En France, plusieurs lois sont venues modifier le régime du travail dissimulé,
codifiées dans le code du travail, pour en faire aujourd’hui un délit sévèrement
réprimé (Loi n°97-210 du 11 mars 1997 relative au renforcement de la lutte
contre le travail illégal Loi du 11 octobre 1940 relative à l'utilisation des
travailleurs sans emploi).
En effet, outre le fait qu'il crée un manque à gagner pour les comptes publiques,
il prive le salarié de l’ensemble de ses droits sociaux.
Par conséquent, le salarié dissimulé bénéficie d’un régime protecteur qui lui
permet de faire sanctionner ces comportements quand bien même il serait
impliqué dans la démarche (3).
En réalité, il s’agit de mesures complémentaires visant à renforcer le régime de
sanctions auxquelles l’employeur est soumis (2).
Récemment la Cour de Cassation a d’ailleurs opéré un revirement de
jurisprudence clairement favorable au salarié, en lui reconnaissant la possibilité
de réclamer l’ensemble des indemnités normalement dues au salarié sans
distinction de cumul (Cass. Soc. 6 février 2013).
Avant d’envisager cette évolution jurisprudentielle il convient de rappeler que,
bien évidemment, la mise en oeuvre de ces sanctions supposent, au préalable, que
la situation de travail dissimulé soit caractérisée (1).
1/ Caractéristiques du travail dissimulé
Pour être caractériser, le travail dissimulé suppose un élément intentionnel, une
volonté certaine de l’employeur de contourner les règles applicables.
En d’autres termes, il y a travail dissimulé à chaque fois que le comportement de
l’employeur témoigne d’une volonté manifeste de frauder.
Il y a délit de dissimulation d'emploi salarié lorsque l'employeur (C. trav., art.
L. 8221-5), intentionnellement ne procède pas à la déclaration préalable à
l'embauche auprès des organismes de sécurité sociale, lorsque
intentionnellement il ne délivre pas de bulletin de salaire ou y mentionne un
nombre d'heures de travail inférieur à celui effectué, ou lorsqu’il n'effectue pas
auprès des organismes de recouvrement des cotisations (Urssaf, MSA…) les
déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci
(L. n° 2010-1594, 20 déc. 2010, art. 40).
Il n’implique pas nécessairement des conditions de travail difficiles.
Il a ainsi été jugé que le délit de travail dissimulé était établit lorsqu'un
restaurateur emploie son épouse de façon durable et permanente, en qualité de
cuisinière, dans un rapport de subordination, sans l'avoir déclarée aux
organismes sociaux, sans l'avoir inscrite sur le registre unique du personnel et
sans lui avoir remis de bulletin de paye (Cass. crim., 22 oct. 2002).
Il en est de même lorsqu'un employeur a recours à des stagiaires qui, en fait,
effectuent un vrai travail salarié dans un lien de subordination caractéristique
du contrat de travail (TGI Paris, 29 sept. 2006, 31e ch., Ministère public
c/Sté Challenge Qualité).
Le travail dissimulé est également caractérisé lorsqu'une entreprise, sous
couvert d'un contrat de sous-traitance, emploie des travailleurs en état de
subordination caractérisant un travail salarié (Cass. crim., 10 mars 1998).
Il faut toutefois remarquer qu’une simple erreur ou une simple omission ne
permet pas de caractériser l’intention de fournir un travail dissimulé.
Ainsi il n'a pas été reconnu dans une affaire où l'employeur avait fait sa
déclaration préalable d'embauche avec 15 jours de retard.
Les juges ont estimé que l'accomplissement tardif de la formalité ne révélait
pas que l'employeur avait agi de manière intentionnelle (Cass. soc., 16 mai
2007).
2/ Sanctions du travail dissimulée
L’employeur qui dissimule des travailleurs s’expose à un système de sanctions
très sévère.
Tout d’abord il risque une peine de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000 €
d'amende pour les personnes physiques et 225 000 € pour les personnes morales
(C. trav., art. L. 8224-1).
Il s’expose également à des peines complémentaires telles que l’interdiction
définitive ou temporaire d'exercer certaines activités, l’exclusion des marchés
publics pendant 5 ans maximum, la confiscation des biens ou objets utilisés à
l'occasion du délit et des biens produits, l’affichage ou diffusion de la décision,
l’interdiction, suivant les modalités prévues par l'article L. 131-26 du Code pénal,
des droits civiques, civils et de famille (C. trav., art. L. 8224-3 ; L. n°
2008-776, 4 août 2008).
En plus l’employeur peut également perdre le bénéfice de mesures d’exonération
ou de réduction des cotisations sociales.
L’administration peut aussi pendant 5 ans maximum, refuser d'accorder des
aides publiques à l'emploi, ou à la formation, des subventions et aides à caractère
public (C. trav., art. L. 8272-1 ; C. trav., art. D. 8271-1).
En outre, si un salarié en situation de travail dissimulé est victime d'un accident
du travail, l'employeur devra prendre en charge la totalité des frais supportés
par la CPAM et devra supporté diverses pénalités financières (L. 471-1 ; L.
162-1-14 du CSS ; L. n° 2010-1594, 20 déc. 2010, art. 93, I).
Dans le cadre de l’ouverture d’une procédure collective, les pénalités,
majorations de retard et frais de poursuite dus par le redevable à la date du
jugement d'ouverture sont normalement remis par l'Urssaf.
Mais désormais, le bénéfice de cette remise automatique est exclu dans les cas
où le passif déclaré résulte en tout ou partie du constat de l'infraction de travail
dissimulé (CSS, art. L. 243-5 ; L. n° 2010-1594, 20 déc. 2010, art. 122).
3/ Quels sont les droits du salarié en cas de travail dissimulé ?
Le salarié concerné par le travail dissimulé peut quitter l'entreprise et
demander au conseil de prud'hommes de constater la rupture de son contrat aux
torts de l'employeur.
La loi prévoit des mécanismes protecteurs du salarié qui doivent l’inviter à
dénoncer les faits litigieux.
C’est l’objet de l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé.
La salarié qui effectue un travail dissimulé a, en cas de rupture de son contrat,
droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire (C. trav., art. L.
8223-1).
L’indemnité est due indépendamment du motif de la rupture : licenciement,
démission, rupture amiable (Cass. soc., 12 oct. 2004), terme d'un contrat à
durée déterminée (Cass. soc., 7 nov. 2006).
En ce sens, elle est favorable au salarié puisque celui-ci peut réclamer l’indemnité
quel que soit le motif de la rupture.
Le calcul de cette indemnité prend en compte les heures supplémentaires
accomplies dans les 6 mois précédant la rupture (Cass. soc., 10 juin 2003 ;
Cass. soc., 18 oct. 2006).
Désormais elle peut se cumuler avec toutes les autres indemnités de rupture
exigibles par le salarié.
En effet, jusqu’à récemment, elle ne se cumulait pas avec l'indemnité légale ou
conventionnelle de licenciement (Cass. soc., 12 janv. 2006).
Cela signifiait qu'il fallait verser au salarié, selon ce qui lui était le plus
favorable, soit l'indemnité forfaitaire de 6 mois, soit l'indemnité de licenciement
(Cass. soc., 29 nov. 2007).
Désormais, la Cour de cassation estime, que l'indemnité forfaitaire pour travail
dissimulé se cumule avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a
droit en cas de rupture de la relation de travail, y compris l’indemnité légale ou
conventionnelle de licenciement (Cass. soc. 6 février 2013).
L’indemnité forfaitaire de travail dissimulé se cumule donc, outre l’indemnité de
licenciement avec :
- l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents ;
- l'indemnité de congés payés ;
- les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- les dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
etc.
L'indemnité n'est pas soumise à cotisations sociales (Cass. soc., 20 févr.
2008) et elle est garantie par l'AGS dès lors que la rupture du contrat est
intervenue avant le jugement de redressement ou de liquidation judiciaire (Cass.
soc., 16 mai 2007).
L'employeur qui fait travailler ses anciens salariés sous le statut d'auto-
entrepreneurs, dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination
juridique permanente à son égard, se rend coupable de travail dissimulé. C'est ce
qu'a jugé la Cour de cassation le 15 décembre 2015.
Une enquête de l'inspection du travail effectuée au sein d'une société de
téléprospection téléphonique avait révélé que des salariés avaient à la demande
de l'employeur quitté celle-ci, pour travailler en tant qu'auto-entrepreneurs
exclusivement pour le compte de leur ancien employeur.
Ils exerçaient dans le cadre d'un contrat type, commun à tous, et selon un mode
de rémunération identique. Les modalités d'exécution du travail leur étaient
imposées par l'entreprise « donneur d'ordre » (obligation de respecter
l'utilisation d'une liste des clients à démarcher ainsi qu'une procédure
commerciale précisément définie à l'avance). Enfin, c'était l'entreprise elle-
même qui établissait les factures dont elle était débitrice à l'égard des auto-
entrepreneurs.
La justice a considéré que ces auto-entrepreneurs fournissaient en réalité à
l'entreprise des prestations dans des conditions qui les plaçaient dans un lien de
subordination juridique permanente à l'égard de celle-ci, et qu'en conséquence
l'infraction de travail dissimulé était constituée.
Travail dissimulé - faux auto entrepreneur
Salariat - Faux auto-entrepreneur et vrai travail
dissimulé
Le recours au statut d’auto-entrepreneur ne doit pas être un moyen de
contourner les dispositions légales, notamment celles relatives au salariat. C’est
ce que rappelle le Conseil d’Etat en considérant que constitue du travail dissimulé
justifiant la fermeture provisoire d’un établissement, le fait d’employer une
personne en qualité d’auto-entrepreneur, dans les conditions du salariat. Conseil
d’Etat, 11.11.14, n°385569.
Les faits
Dans cette affaire, un club de remise en forme a employé un homme de ménage
sous le statut « d’auto-entrepreneur ». Constatant que cette personne exerçait
en réalité dans les conditions du salariat et n’avait volontairement fait l’objet
d’aucune déclaration d’emploi salarié de la part du gérant, le préfet de police a
ordonné la fermeture immédiate de l’établissement pour 15 jours afin de
sanctionner le travail dissimulé, tel que le prévoit l’article L. 8272-2 du Code du
travail (1).
La société estime que cette sanction constitue une atteinte grave et
manifestement illégale aux « libertés fondamentales du commerce et de
l’industrie ». En situation de redressement judiciaire, elle entreprend donc un
référé-liberté auprès du tribunal administratif afin d’obtenir l’annulation de la
décision de fermeture administrative. Une telle mesure compromettant
inéluctablement ses chances de se redresser.
Le référé-liberté ou référé injonction peut être utilisé par un justiciable, si une
décision prise à son encontre par une administration ou un organisme chargé d'un
service public porte une atteinte grave et « manifestement » illégale à l'une
de ses libertés fondamentales. C'est une mesure d'urgence, à laquelle une
réponse est donnée normalement sous 48 heures par le juge des référés.
Non convaincu par les arguments de la société tendant à démontrer l’atteinte à
sa liberté fondamentale, le juge a rejeté la requête. Dans sa décision du 11
novembre 2014, le Conseil d’Etat approuve l’ordonnance du tribunal administratif
rejetant un à un les arguments de l’employeur.
La présomption de non salariat renversée
Le statut d’auto-entrepreneur bénéficie d’une présomption de non salariat (2).
Il s’agit d’une présomption simple qui peut être renversée en rapportant la
preuve contraire et c’est précisément ce qu'a fait le préfet de police. Non
seulement la société était à la date des faits, la seule à employer les services de
l’intervenant, mais elle lui fournissait l’ensemble des instruments nécessaires à
son activité, et le détail des tâches confiées l’était par voie d’instructions
directes du gérant. Enfin, l’accord de prestation de services ne précisait pas la
consistance précise du service à rendre. Pour toutes ces raisons, le préfet a pu
considérer que la situation de travail et de subordination de l’intervenant
revêtait le caractère d’emploi salarié. Ce que le Conseil d’Etat a confirmé.
La situation de travail dissimulé caractérisée
Pour sa défense, la société a produit une attestation de l’homme de ménage
démontrant qu’il avait «volontairement choisi le statut d’auto-entrepreneur».
Mais ce n’est pas suffisant pour le juge qui, pour rejeter l’argument de la
société, se fonde sur une précédente déclaration de l’intervenant, portée au
procès-verbal du contrôleur du travail, et dans laquelle il indiquait que le choix
du statut d'auto-entrepreneur lui avait été suggéré par la société. Les faits
reprochés au gérant sont donc constitutifs de travail dissimulé par
dissimulation d’emploi salarié.
Une sanction administrative justifiée
Pour finir, la société estime que la sanction prononcée à son encontre est
disproportionnée. En effet, selon le Code du travail, la décision de fermeture
dépend du nombre de salariés concernés, de la répétition et de la gravité
des faits constatés. Or l’affaire ne concerne qu’une seule personne sur les sept
salariés de la société et il ne s’agit pas non plus d’une récidive.
Ces arguments ne vont pas suffire à contester la sanction puisque c’est la
dernière condition, celle tenant à la gravité des faits, que retient le préfet
de police pour justifier la fermeture. Il se trouve que le recours au faux
statut d’auto-entrepreneur avait ici permis à la société de faire travailler
l’intéressé à un tarif horaire inférieur au minimum légal. La gravité des faits
justifiait donc la fermeture de l’établissement. Pour les hauts magistrats, le
préfet n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.
Cette décision illustre de quelle façon le statut d’auto-entrepreneur,
attractif a priori par son régime fiscal et social allégé, peut également être
source de nombreuses dérives de la part des employeurs. Ce statut d'auto-
entrepreneur prive la personne de nombreux droits par rapport au salariat
(tels que l’assurance chômage, les congés payés, les indemnités de fin de
contrat le cas échéant, etc.) Nous pouvons donc nous réjouir de cette
décision qui, outre des mécanismes de contrôle déjà existants, en dissuadera
peut-être certains…
(1) Art. L. 8272-2 Code du travail : « Lorsque l'autorité administrative a
connaissance d'un procès-verbal relevant une infraction prévue aux 1° à 4°
de l'article L. 8211-1, elle peut, si la proportion de salariés concernés le justifie,
eu égard à la répétition ou à la gravité des faits constatés, ordonner par décision
motivée la fermeture de l'établissement ayant servi à commettre l'infraction, à
titre provisoire et pour une durée ne pouvant excéder trois mois. Elle en avise
sans délai le procureur de la République.(…)»
(2) Art. L. 8221-6 du Code du travail
Travail forcé
La victime du délit de travail forcé ou de réduction en servitude n'a pas à
rapporter la preuve de l'existence d'un contrat de travail afin d'obtenir la
réparation de son préjudice économique lié à l'absence de rétribution de son
travail.
Les faits : travail forcé et réduction en servitude d’un mineur
E l’espèce, une jeune fille née au Maroc et adoptée par un couple résidant en
France pour lequel elle a travaillé a saisi la juridiction prud’homale d’une demande
de dommages-intérêts pour préjudice économique lié à l’absence de rémunération
pendant le temps où elle a travaillé chez le couple. La jeune victime, mineure au
moment des faits, était en effet chargée de la grande majorité des tâches
domestiques au sein de la famille, rétribuée uniquement par un maigre argent de
poche et n’était pas scolarisée, ni insérée socialement.
Ce couple avait déjà été condamné par la juridiction correctionnelle pour avoir
commis le délit de rétribution inexistante ou insuffisante du travail fourni par
une personne vulnérable prévu et réprimé par les articles 225-13 et 225-19 du
Code pénal dans leur rédaction alors en vigueur. La victime, qui s’était constituée
partie civile, s’était vu accorder la somme de 10 000 euros au titre de
dommages-intérêts pour son préjudice moral.
Remarque : à titre de précisions, « les mineurs et les personnes à leur arrivée sur
le territoire français sont considérés comme des personnes vulnérables ou en
situation de dépendance » (C. pen., art. 225-15-1).
Droit à une indemnisation du préjudice économique même en l’absence de preuve
d’un contrat de travail
La victime a saisi la juridiction prud’homale pour demander l’indemnisation de son
préjudice économique. Sa demande a cependant été rejetée par les juges du fond
au motif que les sommes demandées étaient relatives à l’exécution d’un contrat
de travail ; or la preuve de l’existence de ce contrat n’était pas rapportée. En
effet, il est de jurisprudence constante que c’est à celui qui se prévaut d’un
contrat de travail d’en établir l’existence. (Cass. soc., 21 juin 1984, n°82-42.409)
La Cour de cassation a cependant cassé cette décision dans un arrêt largement
publié au visa de plusieurs textes internationaux, notamment l’article 4 de la
Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
la convention relative aux droits des enfants ainsi que l’article 1240 du Code civil.
Elle écarte l’application du droit commun de la charge de la preuve d’un contrat
de travail dans ce cas de figure et considère ainsi que la victime du délit de
travail forcé ou de réduction en servitude n’a pas à rapporter la preuve de
l’existence d’un contrat de travail afin d’obtenir la réparation de son préjudice
économique lié à l’absence de rétribution.
En effet, la Cour de cassation pose le principe selon lequel « la victime d’une
situation de travail forcé ou d’un état de servitude a droit à la réparation
intégrale du préjudice tant moral qu’économique qui en découle, en application de
l’article 1240 du Code civil. »
Remarque : pour rappel, la réduction en servitude est définie selon l’article 225-
14-2 du Code pénal comme « le fait de faire subir de manière habituelle
l’infraction de travail forcé à une personne dont la vulnérabilité ou l’état de
dépendance sont apparents ou connus de l’auteur. » Quant au délit de travail
forcé, il se caractérise par le fait de « contraindre, par violence ou menace, une
personne à effectuer un travail sans rétribution ou en échange d’une rétribution
manifestement sans rapport avec l’importance du travail accompli ».
Elle ajoute que ce préjudice est aggravé lorsque la victime est mineure puisque
celle-ci doit, à ce titre, être protégée contre toute exploitation économique et
contre tout travail qui compromettrait son éducation ou nuirait à son
développement physique, mental, spirituel, moral ou social.
Or, elle constate que la victime ne disposait pas d’un titre de séjour, étant
entrée en France en utilisant le passeport de la fille du couple chez qui elle
travaillait, ce qui créait pour elle un risque d’être reconduite vers son pays
d’origine. Elle était chargée en permanence de la grande majorité des tâches
domestiques au sein de la famille, lesquelles comportaient des responsabilités
sans rapport avec son âge. En outre, elle n’était pas scolarisée et le couple n’avait
jamais entrepris de démarches pour l’insérer socialement.
En conséquence, la victime a droit à la réparation de son préjudice économique,
en plus de la réparation de son préjudice moral.
Cass. soc., 3 avril 2019 n°16-20.490